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L'éditeur Peio Etcheverry-Ainchart explique pourquoi la culture basque est souvent victime de préjugés et de fantasmes (en Le Monde)

19/11/2015

Pays Basque : une langue de terre,  L'éditeur Peio Etcheverry-Ainchart explique pourquoi la culture basque est souvent victime de préjugés et de fantasmes.

Enlace: Le Monde

Par Pierre Cherruau

Ulysse : Qu'est-ce qui fait la spécificité du Pays Basque ?

Peio Etcheverry-Ainchart : Sur la planète, chaque groupe humain a ses spécificités. Les Basques n'en ont pas plus que les autres.?Cependant, certaines d'entre elles ont une force assez singulière pour que ce petit pays du sud-ouest de l'Europe soit érigé en totem par les amateurs d'exotisme. Si Voltaire disait que “les Basques sont un peuple qui chante et qui danse au pied des Pyrénées”, force est de constaterque ces chants et danses, à l'instar de nombreux autres traits culturels basques, ne sont pas fondamentalement différents de ce que l'on peut observer ailleurs dans les Pyrénées, et même dans d'autres endroits d'Europe.?Ne serait-ce que du fait que le Pays Basque ne couvre qu'une partie de ce massif pyrénéen qui présente une évidente unité de civilisation ; ou que les Basques ont reproduit à leur manière ce que l'on observe chez d'autres peuples du simple fait d'avoir, comme eux, une ancienne origine montagnarde et agro-pastorale. En cela, l'écrivain basque contemporain Bernardo Atxaga a raison d'affirmerque Euskal Herria [Pays Basque] est “l'endroit où le monde prend ce nom-là”. Il est frappant de constater que cet auteur, traduit en plus de quatorze langues, écrit sa “mêmeté” dans une langue qui est, elle, réellement particulière. C'est l'euskara, la langue basque. En elle réside la plus grande spécificité du pays.

Ulysse : Que veut dire être basque aujourd'hui ?

P. E.-A. : Aucun Basque ne devrait s'autoriser à le dire au nom de ses trois millions de compatriotes. Comme toute identité, elle est vécue de manière parfois très différente, si tant est qu'on accepte de partirdu postulat qu'il existe bien une identité basque. La Constitution en France ne reconnaissant dans l'Hexagone — faut-il être myope — qu'un peuple français. Pour donner un avis personnel, je dirais qu'être basque c'est faire exactement la même chose dans sa vie qu'un Français, un Peul ou Chinois… mais avec cette particularité : pouvoir choisir de le faire dans une langue singulière au milieu d'un océan de langues d'origine latine. Dans le tableau impressionniste qu'est l'humanité, la nuance de couleur apportée par les Basques est essentiellement cette langue. Quant à savoir quelles identités détermine cette singularité linguistique aujourd'hui, la question est complexe.?Certains Basques se présenteront comme une composante régionale de la France ou de l'Espagne ; d'autres prétendent que chaque identité a droit à la reconnaissance et à l'égalité en termes d'aspirations politiques ; d'autres encore sont tellement touchés par les modèles uniformisants du monde globalisé qu'ils n'ont pas besoin d'identité basque. Selon la réponse, le débat peut s'orienter sur des champs polémiques qui alimentent régulièrement l'actualité : le Pays Basque comme produit touristique ou, au contraire, comme enjeu géopolitique marqué par plus de cinquante années de conflit…

Ulysse : Est-ce qu'on assiste à une renaissance de la culture basque ?

P. E.-A. : La renaissance de la culture basque ne date pas d'aujourd'hui. Elle a démarré au XIXe siècle avec une volonté de préservation. Puis, il y a cinquante ans, on est passé à la volonté de diffusion et de réappropriation par l'enseignement de la langue et par une action culturelle irriguant toujours plus de domaines. Tout cela fut d'abord l'œuvre d'associations, d'autant plus méritoires que les pouvoirs publics n'ont eu de cesse d'entraver leur action jusqu'à une époque récente. Puis l'aspiration à se réapproprier l'euskara et la culture basque s'est répandue. Aujourd'hui, de nombreuses personnes se tournent, pour leurs enfants, vers des écoles dispensant un enseignement en langue basque ou s'inscrivent eux-mêmes à des cours du soir.

Ulysse : Y a-t-il aujourd'hui, au Pays Basque français, une volonté d'aller vers plus d'autonomie, de suivre l'exemple du Pays Basque espagnol ?

P. E.-A. : Oui, c'est évident. D'abord, il y a la progression continue du vote dit “abertzale”, c'est-à-dire prônant la reconnaissance de l'existence du peuple basque au sein de l'Europe et l'accès à l'égalité des droits. Actuellement, cette tendance politique s'est imposée comme une alternative crédible à la droite et à la gauche hexagonales de sorte que toutes tendances confondues, elle pèse en moyenne entre 15 % et 20 % des suffrages. Au-delà du vote et du poids des seuls “abertzale”, il est notable qu'un consensus s'est constitué dans la population du Pays Basque Nord autour d'une demande de reconnaissance institutionnelle. Les quinze dernières années ont été marquées par de fortes mobilisations en faveur de la création d'un département Pays Basque, aboutissant à la création d'une plateforme dénommé “Batera” [ensemble] et dans laquelle on retrouve des élus locaux membres de l'UMP, du PS, du Modem, des Verts, aux côtés des “abertzale”. Batera n'a pas encore obtenu gain de cause sur la revendication d'une institution.?En revanche, elle a soutenu avec succès l'action du syndicat agricole basque ELB dans sa création d'une Chambre d'agriculture propre au Pays Basque, un outil alternatif d'initiative citoyenne.? Tout cela procède d'un mouvement de fond dans la société basque.

Ulysse : La défense de l'identité ne risque-t-elle pas de mener à la xénophobie ?

P. E.-A. : Toute identité collective, quel que soit son fondement (une culture, un domaine professionnel, une religion, le soutien à un même club sportif…) peut engendrer de l'exclusion. C'est une évidence mais ce n'est jamais une fatalité. Comme il y a des Français xénophobes, il y a des Basques xénophobes. Mais l'identité basque ne porte pas en elle cette xénophobie, notamment du fait que la langue basque, qui en est le fondement, est accessible à tout le monde. Tout le monde peut l'apprendre, comme n'importe quelle autre langue. Et la culture basque est le fruit de tant de brassages au cours de l'Histoire qu'il est impossible de la suspecter de fermeture. Ces brassages se poursuivent aujourd'hui.?De sorte que l'on fait du rock en basque, que le Guggenheim élève ses parois futuristes en plein Bilbao et que l'on danse les fandangos en jeans et baskets à chaque occasion festive. La xénophobie et le repli sur soi résultent d'un sentiment d'injustice. L'enjeu est de parvenir à une situation où personne, ni en Pays Basque ni ailleurs, n'ait l'impression de subir une injustice.

Pierre Cherruau

Biographie

Peio Etcheverry-Ainchart Né en 1973 à Bayonne, il est conseiller municipal à Saint-Jean-de-Luz, tendance “abertzale” [nationaliste]. Il est porte-parole du parti AB (Abertzaleen Batasuna). Éditeur chez Elkar (bilingue basque-français), il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire ou la civilisation basques.



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