otzon Aranburu. Le Donostiar Mikel Prieto, docteur en pédagogie et membre d'Eusko Ikaskuntza, est un sacré défi pour un journaliste. Il n'affirme formellement que ce qu'il peut prouver avec des documents ; les suppositions et les conclusions hasardeuses ne font pas bon ménage avec lui. Impossible de lui extorquer cette déclaration qui irait si bien dans un gros titre : "Les ancêtres de Pepe Mujica habitaient cette maison". Même si la ferme d'Astigarreta que nous avons visitée s'appelle Muxika, et que sur la boîte aux lettres située à l'entrée du chemin qui y mène nous pouvons lire "María Rosario Mujica". Eh bien non. Certes, tous les indices indiquent que Muxika est le berceau de la famille de l'ex-président, mais pour l'instant la seule chose qui ne fasse pas l'ombre d'un doute, démontrée par des documents, c'est que les aïeuls de Pepe Mujica proviennent de ce minuscule quartier rural niché dans les bois du Goierri de Gipuzkoa. De de quelle maison exactement ? Impossible de le savoir avec certitude, car ils habitèrent plusieurs fermes.
José 'Pepe' Mujica a toujours connu ses origines basques. Chaque fois que la question lui a été posée, il l'a revendiqué sans s'en vanter. Il y a deux ans, alors qu'il était président d'Uruguay, il est venu en Euskal Herria et il s'est rendu dans le village biscayen de Muxika, supposant que dans ce village on connaîtrait ses ancêtres. Mais il s'était trompé. Mujica projette de revenir dans notre pays d'ici peu, peut-être dès le printemps, et s’il le souhaite, il pourra visiter Astigarreta, le petit quartier rural – à peine dix maisons et fermes – sur les versants du Murumendi d'où, vers 1788, un Mujica, aïeul de son arrière-grand-père de Tolosa, Francisco Mujica Yeregui, décida de déménager à Azpeitia et de se marier.
Arrière et arrière-arrière-grands-pères de Tolosa
"J'ai été très surpris lorsque j'ai vu que l'on conduisait le président en Biscaye. Il était connu des généalogistes argentins et uruguayens que son ancêtre était Francisco Mujica Yeregui. Mais lors de leurs recherches, ils ont confondu le quartier guipuzcoan d'Itsaso (Itsaso-Ezkio) avec Itsasondo, et ainsi ils se sont égarés et ont perdu la trace de ses origine : Astigarreta. Jusque-là nous pouvons trouver ces données sur internet, il ne faut pas être un spécialiste pour le découvrir", indique Mikel Prieto depuis le siège d'Eusko Ikaskuntza à Donostia.
Plongé dans les archives d'Oñati, dans celles du diocésain de Donostia, dans celui d'Aranzadi, Mikel Prieto a reconstitué l'arbre généalogique des Mujica de manière documentée : Francisco Mujica Yeregui, arrière-grand-père du président, apparaît en tant qu'habitant de Tolosa et veilleur de nuit de profession. De la même manière que beaucoup de Basques, après la guerre carliste, il émigra avec sa famille vers le nouveau continent, dans son cas en Uruguay, comme l'avait fait auparavant son cousin maternel, Fermin Yeregui. Puis trois générations plus tard naîtrait celui qui deviendrait président de ce pays.
Mais remontons dans le temps, jusqu'à Prieto. L’arrière-grand-père du président aussi était de Tolosa, son père (par conséquent la sixième génération) venait d'Azpeitia... et toutes les générations précédentes, au nombre de douze au minimum, car il n'existe pas de document antérieur, étaient d'Astigarreta. Ils habitèrent les fermes Muxika, Latsandia, Goikoetxea, Latsa-Erramonategi et Arregi au moins depuis le XVIe siècle jusqu'en 1788, lorsque la branche des Mujica partit s’installer à Azpeitia.
Mikel Prieto a terminé son travail de recherches généalogiques l'été dernier. Il l'a encadré puis envoyé au président, dont la secrétaire l'appela peu après – Monsieur 'Maïkel Prieto ? - pour le remercier, au nom de Mujica, du travail réalisé. Il faudrait dire, du très complet travail réalisé, car Mikel a lui-même réuni des copies d'actes notariaux ou sacramentels, de contrats de voyage... tout ce qui sert à sustenter le parcours généalogique dans une investigation qu'il considère inachevée. Il dispose par exemple de l'acte de mariage de l'église San Vicente de Donostia qui accueillit les noces de l’arrière-grand-père du président avec Catalina Chipiriano Esnaola, descendante de mère basque et de père italien.
Un autre document de grande valeur, trouvé par Mikel Prieto, grâce aux archives d'Oñati, est le contrat de voyage que l’arrière-grand-père de l'ex-président avait signé avant d'embarquer avec sa femme et leurs deux enfants sur le Chateaubriand à Pasaia. Un document qui contient beaucoup de données, comme le prix à payer pour le billet – 1,500 pesetas – en quelle classe ils voyageaient - l'entrepont du navire - et grâce auquel on peut même déduire à quel type de menus ils avaient eu droit.
Lorsque Francisco Mujica se maria, il avait 21 ans. Il est probable, comme le plus souvent chez les émigrants basques, qu'il parlait à ses enfants en euskara puisque l’ex-président a confirmé lors d’entretiens que son arrière grand-père était euskaldun. Le nom de famille n'est pas la seule chose qui ait été perpétuée. Il existe un autre élément qui unit les Mujica originaires d'Astigarreta et Pepe Mujica Cordano : le travail de la terre. Il est logique de penser que ses ancêtres cultivèrent la terre des pentes abruptes de la montagne de Beasain et l'ex-président a cultivé des fleurs pour leur commercialisation. Il semblerait qu'à travers les siècles et des milliers de kilomètres de distance, l’héritage culturel ait été maintenu, celui qui mène des mains aussi éloignées à empoigner le même instrument, la pioche, pour gagner honnêtement sa vie.
La ferme Muxika d'Astigarreta
Nous avons visité la ferme Muxika d'Astigarreta. Elle est aujourd'hui habitée par Pedro Mari Alustiza et Maria Rosario Mujica, qui nous ont aimablement autorisé à prendre des photos de la maison et avec qui nous avons conversé. "Bai, bai, zerbait aditu dugu Uruguaiko presidentearena. Nik zer esango dizut ba ? Gauza horiek jakintsuek argitu beharko dituzte"("Oui, nous avons entendu des choses sur le président de l'Uruguay. Que voulez-vous que je vous dise ? Ce sont les savants qui devront faire la lumière là-dessus"), nous dit Maria Rosario devant l’entrée de la ferme. Pepe Mujica foulera-t-il le sol de cette maison ? Que ressentira-t-il ? Pour l'instant ce sont des questions sans réponse.
(Traduit de Gara)